Carnaval de l’orgue!

Le CIOC et le Bach-Mobile se sont rendus au Zoo de Granby pour une représentation spéciale du Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns. Transcrits pour orgue par Jean-Willy Kunz, les mouvements nous font voyager dans le monde animal en explorant le Zoo de Granby sur la Bach-Mobile du CIOC.

En première à 19h sur YouTube et Facebook

Notes de programme :

Malgré sa déférence générale envers la musique sérieuse structurée selon des formes traditionnelles, Camille Saint-Saëns n’était pas dépourvu d’humour musical. De nombreuses œuvres de Saint-Saëns, en particulier des œuvres pour le théâtre et la musique instrumentale à programme, affichent le penchant du compositeur pour rendre habilement des sujets extra-musicaux à travers la musique, et dans Le Carnaval des animaux, ce penchant est poussé à l’extrême (et hilarant). Des preuves suggèrent que Saint-Saëns a peut-être conçu l’écriture d’une suite humoristique à thème zoologique dès les années 1860, mais le travail sur Le Carnaval des animaux n’a commencé qu’en 1886, en même temps que le compositeur travaillait sur sa monumentale Troisième symphonie, avec une partie proéminente pour orgue à tuyaux.

Chacun des quatorze mouvements du Carnaval des animaux représente musicalement un animal ou un groupe d’animaux particulier, utilisant magistralement des gestes, des articulations et des textures musicales pour illustrer les sons, les mouvements et/ou les apparences de chaque animal. Certains des mouvements citent également de la musique d’autres compositeurs et des airs folkloriques bien connus, souvent dans le contexte d’une blague musicale ajoutant d’autres couches d’esprit à la pièce. Quelques mouvements présentent une satire pure et simple – dépeignant les critiques musicaux comme des ânes braillards et les pianistes comme des animaux en cage !

Bien qu’il y ait eu plusieurs représentations privées après l’achèvement de l’œuvre, Saint-Saëns craignait que la publication de l’œuvre de son vivant ne nuise à sa réputation de compositeur de musique sérieuse, et ainsi Le Carnaval des animaux n’a été publié qu’en 1922, un an après la mort du compositeur. Lorsque la première exécution publique fut donnée cette même année, elle fut accueillie avec un immense enthousiasme, et depuis lors, elle est devenue l’une des œuvres les plus connues et les plus jouées de Saint-Saëns. La critique du Figaro suite à cette première représentation relate avec justesse la popularité de l’œuvre auprès du public :

On ne saurait décrire les cris de joie admiratifs lancés par un public enthousiaste. Dans l’immense œuvre de Camille Saint-Saëns, Le Carnaval des animaux est certainement l’un de ses magnifiques chefs-d’œuvre. De la première note à la dernière, c’est une effusion ininterrompue d’un esprit de la plus haute et de la plus noble comédie. Dans chaque mesure, à chaque endroit, il y a des trouvailles inattendues et irrésistibles. Thèmes, idées fantaisistes, instrumentation rivalisent de bouffonnerie, de grâce et de science. … Quand il aime plaisanter, le maître n’oublie jamais qu’il est le maître.

  • I. Introduction et Marche royale du lion
    Après un bref passage introductif, l’entrée du lion est annoncée par une fanfare digne du Roi des animaux. Une marche pompeuse et vigoureuse s’ensuit, au sein de laquelle se fait entendre le formidable rugissement du lion, représenté musicalement par des passages chromatiques grondants dans le registre grave.
  • II. Poules et coq
    La première de plusieurs références à des œuvres d’autres compositeurs se fait entendre dans ce mouvement, qui utilise un motif de la pièce pour clavecin de Jean-Philippe Rameau intitulée La Poule. Contrairement à l’élégante pièce de Rameau, la réinterprétation de Saint-Saëns évoque une frénésie, dépeignant l’agitation d’un poulailler occupé. Les coups de bec et gloussements incessants des poulets gagnent en intensité jusqu’à ce que le mouvement se termine soudainement par un accord fortissimo.
  • III. Hémiones (animaux véloces)
    Ce court mouvement en moto perpetuo présente des gestes rapides de haut en bas sur toute l’étendue du clavier, représentant un troupeau d’ânes sauvages courant sans relâche à travers le paysage.
  • IV. Tortues
    Animaux connus pour leur allure tranquille, les tortues sont illustrées par une farce musicale : le Galop infernal de Jacques Offenbach, pièce destinée à être jouée à vive allure, est réduit à un chant endormi.
  • V. L’éléphant
    Encore plus d’humour musical est présent ici : des fragments du scherzo de la musique de scène de Mendelssohn, Le Songe d’une nuit d’été, ainsi que de la Danse des sylphes (extraite de La Damnation de Faust) de Berlioz, sont façonnés par Saint-Saëns en une valse maladroite. Alors que les citations musicales dans leurs contextes d’origine sont jouées avec grâce et dans le registre aigu, elles sont jouées ici dans le registre le plus bas et avec une lourde maladresse qui décrit bien la démarche lourde de l’éléphant.
  • VI. Kangourous
    Bien qu’ils pèsent jusqu’à 90 kg, les kangourous ont des jambes et des pieds bien adaptés pour sauter, un mouvement qu’ils sont capables d’exécuter avec une apparente facilité. Ce mouvement de saut peut être entendu tout au long du mouvement
  • VII. Aquarium
    La qualité intemporelle de la musique de ce mouvement emmène l’auditeur sous la surface de l’eau, évoquant des images de récifs coralliens colorés, de varech se balançant doucement dans les vagues, et de poissons et de créatures aquatiques de toutes sortes vaquant tranquillement à leurs occupations
  • VIII. Personnages à longues oreilles
    Les « personnages » présentés dans ce mouvement sont de toute évidence des ânes, même si certains pensent que les plaisanteries musicales ici vont plus loin : le braiement grossier de l’âne peut s’apparenter au didactisme agaçant d’un critique musical médisant.
  • IX. Le coucou au fonds des bois
    Les harmonies calmes de type choral de ce mouvement aident à établir un cadre forestier, avec des colonnes d’arbres imposantes soutenant une voûte à baldaquin rappelant une grande cathédrale. La tierce majeure descendante caractéristique du chant du coucou entrecoupe régulièrement la texture musicale.
  • X. Volière
    Des passages virtuoses sur un fond calme représentent un oiseau en vol : les passages rapides, les arpèges et les trilles imitent la facilité de l’oiseau dans les airs.
  • XI. Pianistes
    Saint-Saëns présente une vision satirique des pianistes dans ce mouvement, qui semblent exécuter sans grâce des exercices fastidieux rappelant Hanon ou Czerny. Cette caractérisation des pianistes comme des animaux en cage dans une salle de répétition provoque leur inclusion dans le Carnaval des animaux.
  • XII. Fossiles
    En plus d’utiliser abondamment le matériel de son propre poème symphonique, La Danse Macabre, écrit plus d’une décennie plus tôt, Saint-Saëns cite également des mélodies de chansons folkloriques populaires et un air du Barbier de Séville de Rossini. Leonard Bernstein a émis l’hypothèse que la blague musicale est que les pièces citées étaient les fossiles musicaux de l’époque de Saint-Saëns.
  • XIII. Le cygne
    Probablement le mouvement le plus populaire de la suite et le seul mouvement publié du vivant du compositeur, le cygne présente une mélodie lente et gracieuse qui reflète le mouvement paisible du cygne dans l’eau.
  • XIV. Final
    La courte introduction au mouvement final commence par le même matériau entendu au tout début de la pièce. La majeure partie du mouvement présente une mélodie vive et jubilatoire avec un accompagnement rebondissant, semblable à la musique que l’on pourrait entendre lors d’un carnaval. La musique de plusieurs des mouvements précédents revient, y compris les animaux rapides, les poules et les coqs, et les kangourous, mais c’est l’âne qui semble avoir le dernier rire avant les accords finaux : faisant peut-être allusion à l’anticipation du compositeur que l’œuvre serait décriée par les critiques si elle devait être publiée !